Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/175

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l’invoquent avec fruit. Il est l’Esculape, le Prométhée, l’Orphée des Finnois : de la sueur qui coule de son corps, il guérit toutes les maladies ; il a apporté le feu céleste aux mortels ; il leur a donné le kantele, l’instrument national de la Finlande, la lyre à cinq ou six cordes. Il l’a même créé deux fois, et on comprend que Leconte de Lisle ait été séduit par les deux récits, car il n’y en a guère dans le Kalawala de plus éloquents.


Le vieux Wäinämöinen naviguait quand sa barque fut arrêtée par un brochet gigantesque. D’un seul coup de glaive, il fendit le dos du poisson. Puis, lui retirant ses dents pointues, il songea à faire le kantele. D’un prunier et d’un sapin il forma la caisse ; les vis, des dents du grand brochet ; il prit les cordes dans la crinière du coursier d’Hiisi (le génie du mal). Il donna ensuite l’instrument aux vieillards, aux jeunes gens, à son compagnon le joyeux Lemmikainen, à son frère le forgeron Ilmarinnen, à l’hôtesse de Pohjola, à bien d’autres encore : sous tous ces doigts sortirent des sons affreux. Un vieillard endormi dans le foyer s’éveilla tout à coup : — Cessez, cessez, s’écria-t-il ; ce bruit me déchire jusqu’à la moelle, il blesse mes oreilles et me brise la tête... Qu’on jette cet instrument à l’eau ou qu’on le rende à celui qui l’a fait. — Alors l’instrument parla : — Rendez-moi, dit-il, à celui qui m’a fait.

Le vieux Wäinämöinen, s’asseyant au bord de la mer, commence à chanter. Son chant est si doux que pour entendre le runoia tous les êtres de la nature se précipitent.