Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/190

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leur sillon et la fleur de leurs ruines (poétique formule pour signifier que le christianisme à la fois continue et contredit les religions précédentes). Puis il dit sa doctrine, et par sa bouche Leconte de Lisle nous fait du christianisme un long portrait, celui qu’on pouvait s’attendre qu’il nous en fît. Éclose dans un monde trop vieux et conçue par des gens épuisés, la religion apportée d’orient par le fils de la vierge vient pour combattre toutes les aspirations de la nature et de la raison : les liens des cœurs seront rompus ; la vierge maudira sa grâce et sa beauté ; l’homme reniera sa virilité ; les sages, honteux d’avoir vécu et d’avoir pensé, jetteront leurs travaux au feu ; les siècles écoulés rentreront dans la nuit, et l’oubli sera versé suites anciens dieux. Le Roi du Nord, lui aussi, est donc voué à la mort : qu’il fasse ses adieux au soleil.

Mais de cette condamnation le Runoïa en appelle au monde « qu’il a conçu » et qu’il invoque dans une éloquente apostrophe, magnifique description de la nature du nord :


Ô neiges, qui tombez du ciel inépuisable,
Houles des hautes mers, qui blanchissez le sable,
Vents qui tourbillonnez sur les caps, dans les bois
Et qui multipliez en lamentables voix,
Par delà l’horizon des steppes infinies,
Le retentissement des mornes harmonies !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Et vous, brises du jour, qui bercez les bouleaux ;
Vous, îles, qui flottez sur l’écume des eaux ;
Et vous, noirs étalons, ours des gorges profondes,