Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/191

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Loups qui hurlez, élans aux courses vagabondes !
Et vous, brouillards d’hiver, et vous, brèves clartés,
Qui flamboyez une heure au front d’or des étés !
Tous ! venez tous, enfants de ma pensée austère,
Forces, grâces, splendeurs du ciel et de la terre ;
Dites-moi si mon cœur est près de se tarir :
Monde que j’ai conçu, dis-moi s’il faut mourir !


En d’autres termes, le Runoïa demande pourquoi sa religion mourrait, puisque la nature dont elle est issue est toujours vivante.

Elle mourra, lui répond l’enfant, parce que ni la neige, ni la mer, ni la nuit, ni le vent, ni les fleuves n’ont plus de voix pour toi, parce que si la nature n’a point changé, l’homme a cessé de la comprendre : la nature divine est morte sans retour.

C’est là un arrêt irrévocable ; le Runoïa sent bien que son ennemi est victorieux, et sa bouche se lie. Vainement les Runoïas. ses prêtres, l’invoquent-ils encore : l’enfant leur prédit la fin de leur vaine sagesse, que les peuples vont désormais railler, et leur conseille de mourir muets, comme il sied aux cœurs forts. Vainement les Chasseurs opposent-ils leur indifférence à la prédication du nouveau roi ; car que leur importe à eux la querelle des dieux, pourvu que les ours continuent à se laisser prendre, les arcs à être solides et l’hydromel à fermenter dans les coupes ? l’enfant condamne ces épicuriens eux-mêmes à mourir (ce qui signifie qu’il ne tolérera ni la libre pensée, ni l’indifférence) ; et il leur montre leurs fils incapables de résistance, oublieux du passé, voyant sans plaisir ni regret