Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/219

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apaisa la fureur des buffles, dissipa les prestiges des magiciens ; et le soleil remontra son visage radieux, et les oiseaux qui suivaient le Saint recommencèrent leurs chants, et il put continuer sa marche vers la fontaine de Klebah, où les filles du roi d’Irlande lavaient, comme autrefois les filles du roi Idoménée.


On a immédiatement reconnu, sans doute, dans ce récit la source d’où Leconte de Lisle a tiré la première partie de son Barde de Temrah. Il a, en effet, suivi de très près son auteur, bien qu’il l’ait transfiguré, ai-je besoin de le dire ? par la magnifique poésie des détails et que çà et là il l’ait simplifié, ou, au contraire, compliqué.

Dans son récit, comme dans celui de La Villemarqué, Patrice s’en va, par un beau matin de printemps, sur un chariot massif que traînent deux buffles blancs ; à ses côtés les oiseaux volent dans la lumière, et des filles le regardent passer, — mais trois, et non deux, et rien ne dit qu’elles soient filles de rois. — Autour des jeunes curieuses, le poète ne manque pas de ressusciter le décor que La Villemarqué n’avait pas su voir : la bruyère, le coq aux plumes d’or, la perdrix, le lièvre, et des bœufs rouges, que poussent par la vallée des guerriers tatoués,


La plume d’aigle au front, drapés de longues peaux.


Cependant, sur une hauteur hérissée de ronces, parmi d’épais rochers plats, deux vieillards sont debout. Ils regardent avec un œil sombre ce voyageur sans crainte traîné par deux buffles las. Bientôt leur parti est pris d’empêcher sa marche, et Leconte de Lisle, donnant un libre essor à son imaginatipn, nous fait assister à leurs apprêts: ils se couronnent de houx, élèvent un