Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/222

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éclairait de ses rayons pâles, un vieux guerrier aveugle reposait sur un banc de pierre, auprès d’un foyer sans chaleur. Depuis longtemps Patrice le cherchait. Au bruit des pas du Saint, le vieillard s’éveilla, et, se levant, il s’avança en tâtonnant pour détacher sa harpe suspendue à la muraille, car il avait cru entendre résonner près de lui le bouclier de son père et la voix de Fion gémir dans le vent de la nuit. Touché de pitié à la vue de cette grande infortune, l’Apôtre de l’Irlande lui adressa doucement la parole. Le barde répondit par ces vers :

« Quand je prenais mes repas dans ce palais avec Fion, je voyais circuler à chaque banquet mille coupes de corne entourées de cercle d’or ciselé.

« Il y avait douze salles remplies des guerriers du fils de la fille de Tagès (mon aïeul), dans ce palais, résidence des Finn héroïques ; et dans les douze salles flamboyaient constamment douze feux, et chaque feu était entouré d’un cercle de cent Finn illustres…

« Quel malheur pour moi de leur survivre ! Les festins et la musique ne m’offrent plus d’attrait, misérable et vieux que je suis, pauvre solitaire, dernier débris d’une race héroïque… »

Patrice engage Ossian à se résigner, à courber la tête et les genoux sous la main de Celui qui communique sa puissance aux héros et la leur retire à son gré. Mais le barde est si malheureux qu’il n’est pas d’humeur endurante. Il continue de gémir, de plaindre le présent, de vanter le passé ; il oppose le chant des bardes aux psalmodies des moines ; il aime mieux les festins que le jeûne ; le bruit des cloches le fatigue ; il regrette les fanfares joyeuses et les aboiements des chiens de chasse dans les bois.

« Ô Patrice, as-tu entendu chanter la chasse ? Ô fils de Kalfurn, renommé par tes hymnes, as-tu entendu chasser cette chasse entreprise par Fion ? Jamais aucun des Finn n’en vit de plus merveilleuse. »

Le missionnaire, charmé de trouver le moyen d’arriver sûre-