Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/246

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Il nous transporte un matin dans la cité des khalyfes et nous la dépeint telle qu’elle fut aux plus beaux jours de sa splendeur. Dans la plaine embaumée, parmi les caroubiers, les jasmins et les palmes, elle monte, la royale Damas, comme un grand lys empli de gouttes d’or ; ses tourelles pétillent, ses dômes reluisent, des toits plats de ses maisons les cigognes fidèles


Regardent le soleil jaillir d’un bond puissant.


Dans les rues s’agite, entre les longs murs blancs, une cohue pittoresque : âniers, chameliers, marchands, chiens hurleurs, cavaliers du désert armés de lances, batteurs de tambourins, joueurs de flûtes, femmes en litière aux épaules des nègres,


Dardant leurs yeux aigus sous leurs voiles légers.


C’est l’heure où le khalyfe va rendre ses arrêts souverains. Le Divan s’ouvre. Autour de Soulymân, l’Ommyade sacré, on voit une cour brillante : les Émyrs d’Orient dressant leurs hautes tailles sous le manteau de laine et le cimier d’où sort le fer d’épieu carré ; les Imâns de la Mekke, immobiles, l’écharpe verte enroulée au front ras ; les chefs des tribus chasseresses d’esclaves, dont le soleil a corrodé les bras; les noirs Égyptiens vêtus d’acier. Soulymàn songe et médite de sombres desseins. Car les temps sont passés de la grandeur austère, et le poète, en face des richesses opulentes de ce khalyfe avare, évoque le souvenir des origines de l’Islam, des chefs dont les fronts mâles et doux étaient ceints d’un bandeau fait du poil de leurs chameaux.