Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voulait sans doute que les trésors rapportés d’Espagne fussent pour lui. Mouça méprisa cet avis et parut devant le khalyfe, qui interrogea les deux généraux sur leur conquête : ils s’accusèrent mutuellement, mais Mouça fut convaincu par Thâriq de mensonge.

Peu de jours après, Walid étant mort, Suléïman, qui lui succéda, envoya Mouça en prison, le fit battre de verges et le condamna à une forte amende.

Puis il donna l’ordre d’exterminer les fils du conquérant de l’Espagne, ayant peur qu’ils ne se rendissent indépendants. On tua sans difficulté ceux qui étaient en Mauritanie. Mais on n’osait mettre la main sur Abdelaziz, qui, depuis le départ de son père, avait achevé la conquête du Portugal. Pour le perdre dans l’esprit de ses soldats, on le représenta comme un mauvais musulman, parce qu’il avait épousé en grande pompe à Séville Egilone, veuve de Roderic, et on le frappa pendant sa prière.

Sa tête fut envoyée au khalyfe, qui la montra à Mouça. — Maudit soit de Dieu, dit celui-ci, le barbare qui a assassiné l’homme qui valait mieux que lui. — Il quitta Damas et s’enfonça dans l’Arabie, où il mourut de chagrin en 716.


On s’expliquerait mal les changements que Leconte de Lisle apporte à l’histoire de Mouça ben Nozéir, si l’on ne comprenait pas qu’il n’a pas voulu simplement faire revivre la physionomie du conquérant de l’Espagne. Son poème est beaucoup plus synthétique : du lieu où il nous place, au centre de l’histoire des khalyfes, le poète essaye de nous faire apercevoir tout le développement de cette histoire.