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Deux autres raisons recommandaient les Maoris à l’attention d’un poète coloriste.

La première était qu’ils avaient poussé jusqu’à la plus extrême perfection l’art du tatouage. Leconte de Lisle, pensant qu’on ne saurait être trop pittoresque, a tatoué le dernier des Maourys de la tête aux genoux. Peut-être a-t-il eu tort. Car, d’après Quatrefages, les Néo-Zélandais réservaient presque exclusivement pour la figure ces nobles marques, qui étaient des récompenses militaires ou des signes d’aristocratie ; d’ailleurs, s’ils n’en mettaient guère que là, ils en mettaient tant que la face d’un chef finissait par être couverte tout entière de dessins d’une régularité et d’une complication absolument remarquables[1].

Les Maoris, qui entendaient si bien l’art de se décorer la face, s’imposaient par un autre titre au choix de Leconte de Lisle : entre toutes les races polynésiennes, c’était la leur qui était particulièrement friande de chair humaine. Le cannibalisme, qui avait fini par tomber en désuétude chez les Tahitiens, était, en effet, chez les Maoris tout à fait


  1. D’autres auteurs donneraient raison à Leconte de Lisle. Ainsi C. de Varigny, l’Océan Pacifique (Paris, 1888, Hachette), p. 63. Parlant des habitants de Pomotou, qui appartiennent à la race maorie et en ont les usages, il dit : « Tatoués sur toutes les parties du corps, ils portent sur eux, en hiéroglyphes incompréhensibles, leur généalogie et la chronique de leur famille. Plus le tatouage est compliqué, plus haut remonte la noblesse de leurs aïeux. Ainsi passés à l’état de documents historiques, les vieux chefs exhibent sur les parties les plus imprévues de leur individu les annales de toute une race. Ils en sont fiers et les étalent. À court de parchemin, tatoué jusque sous les aisselles et jusqu’à la nuque, un chef de la baie de Chikakoff avait fait graver sur sa langue quelque exploit qui n’avait pu trouver place ailleurs. »