Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/289

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passé dans les mœurs. C’est que la Nouvelle-Zélande, fait observer Quatrefages, est une île froide où la nourriture est difficile : peu de plantes, peu de gibier. Les Maoris étaient, d’ailleurs, très belliqueux : ils mangeaient leurs ennemis par vengeance, en même temps qu’ « ils croyaient, en se repaissant de leur chair, hériter des qualités qui les avaient rendus redoutables ». « Chez les Polynésiens, en général, dit encore Quatrefages[1], et surtout chez les Maoris, tuer un ennemi n’est qu’un demi-triomphe ; il faut surtout s’emparer du corps pour le manger et conserver sa tête comme un trophée. C’est par suite de cette coutume que l’on voit dans un grand nombre de collections des têtes que leurs tatouages font reconnaître pour avoir appartenu parfois à des chefs d’un rang élevé. »

Les caractères de la race polynésienne étant, on le voit, plus accusés chez les Maoris que chez d’autres Océaniens, il était tout naturel que, pour faire l’histoire de la race, Leconte de Lisle fît celle des Maoris. Et voici la fable très simple qu’il a imaginée. Aussi bien, n’est-ce pas l’ingéniosité de la fable qu’il faut admirer dans son poème, mais l’abondance des faits historiques qui s’y trouvent mis en œuvre sans aucune espèce de pédantisme.


C’était un soir dans une île du Pacifique. Des blancs avaient devant eux un vieux chef osseux,


Tatoué de la face à ses maigres genoux,



  1. Revue des Deux Mondes, article cité, p. 881, note 1.