Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/309

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proportions de l’île Bourbon. Lorsque le cavalier céleste maudit la cité des géants, lorsqu’il annonce le temps où la face du désert dira : « Qu’est devenue Hénokhia semblable au Gelboé ? » le temps où l’aigle et le corbeau se diront entre eux : « Où donc se dressait autrefois sous la nue la Ville aux murs de fer ? » on se souvient immédiatement d’avoir lu plusieurs fois chez Victor Hugo des choses semblables, mais beaucoup plus éloquentes :


Ville ! où sont tes docteurs qui t’enseignaient à lire ?
Tes dompteurs de lions qui jouaient de la lyre,
                    Tes lutteurs jamais las ?
Ville ! est-ce qu’un voleur, la nuit, t’a dérobée ?
Où donc est Babylone ? Hélas ! elle est tombée ;
                    Elle est tombée, hélas !

On n’entend plus chez toi le bruit que fait la meule.
Pas un marteau n’y frappe un clou. Te voilà seule,
                    Ville ! où sont tes bouffons ?
Nul passant désormais ne montera tes rampes ;
Et l’on ne verra plus la lumière des lampes
                    Luire sous tes plafonds[1]...


Avant d’avoir été décrit par Leconte de Lisle, le déluge l’avait été par Vigny, avec moins de pittoresque et de vigueur peut-être, mais d’une façon peu différente. Avant que son Qaïn eût rejeté sur Dieu seul la responsabilité du fratricide, le Samson de Vigny avait reproché à Dieu lui-même, comme au véritable auteur de ce crime, la trahison de Dalila. Avant que l’auteur de Qaïn eût affirmé qu’il se bornait à copier, scribe consciencieux, la vision écrite jadis

  1. Contemplations, livre VI, Pleurs dans la nuit, XIII.