Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/315

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et Leconte de Lisle, même dans un genre qui semble pourtant exiger ces confidences, le genre lyrique, s’ingénie à dérober les secrets de son cœur. Il ne semble donc pas qu’on puisse découvrir entre les deux poètes de bien grandes affinités. Mais aussi, quand il a emprunté à Euripide le sujet d’Ion, Leconte de Lisle a-t-il été attiré par la légende elle-même, et non par la façon dont son modèle l’avait traitée.

Créuse, fille d’Érechtée, roi d’Athènes, a été séduite par Apollon, dont elle a eu un fils. Elle a abandonné l’enfant, que le dieu a recueilli et a fait élever à Delphes dans son temple. Puis elle a épousé Xuthus, petit-fils d’Éole : il était étranger, mais ses armes avaient sauvé Athènes. Ils n’ont pas eu d’enfant et ils viennent consulter l’oracle de Delphes dans l’espoir qu’Apollon leur donnera une postérité.

Créuse arrive la première et rencontre aux portes du temple Ion, son fils, qui en est l’intendant. Elle lui dit l’objet de son pèlerinage, et bientôt une sympathie très naturelle attire l’un vers l’autre ce jeune homme qui n’a pas de mère, cette femme qui n’a pas d’enfant.


Ion.

Quoi ! tu n’as jamais été mère et tu es sans enfants ?… Ô infortunée ! bien partagée pour tout le reste, tu n’es pas heureuse néanmoins.

Créuse.

Mais toi, qui es-tu ? J’envie le bonheur de celle qui t’a donné le jour.

Ion.

Je ne sais qu’une chose, c’est que j’appartiens à Apollon.