Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/317

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sera-t-il convaincre de crime dans son propre temple ?… Il ne faut pas lui demander des oracles qui lui soient contraires. Ce serait le comble de la sottise que de prétendre forcer les dieux à parler quand ils s’y refusent[1].


Ce sont là de hardis propos, mais où il est peut-être excessif de voir, comme on l’a fait[2] presque tout l’essentiel du rôle d’Ion ; car la scène entre la mère et le fils est beaucoup plus touchante qu’ironique. D’ailleurs, en faisant craindre à Créuse que le dieu ne refuse de répondre afin de n’être point convaincu de crime dans son propre temple, il n’a pas seulement le dessein de signaler, pour la satisfaction d’Euripide, l’immoralité de la légende dont il est le héros : il montre encore aux spectateurs que la situation de Créuse paraît sans issue, et il redouble ainsi l’intérêt dramatique.

Cependant Xuthus, qui a pénétré dans le temple, en sort bientôt et salue Ion du nom de fils : la Pythie a proclamé, en effet, qu’il devait considérer comme son enfant la première personne qu’il rencontrerait. Ion, étonné, demande des explications : comment peut-il être le fils de Xuthus ? Celui-ci, pressé de questions, conjecture qu’il a dû avoir cet enfant d’une Delphienne avant son mariage, un jour qu’il était venu à Delphes pour les fêtes de Bacchus ; la mère l’aura confié à Apollon.

  1. Un peu plus loin, quand Créuse l’a quitté, Ion ne se fait pas faute de condamner sévèrement la conduite du dieu, dont il est pourtant le serviteur et qui le nourrit des dons offerts sur son autel.
  2. Voir la conférence faite par M. Jules Lemaître le 3 décembre 1896 avant la représentation de l’Apollonide : Conférences de l’Odéon, t. IX.