Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/342

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disposer à aimer, ont donné plus de limpidité aux eaux de la source et plus de douceur à son murmure. Un peu de merveilleux entre ainsi dans le poème ; mais le paysage se mêle davantage à l’action et reçoit un caractère plus dramatique :


Reines, au sein d’un bois, d’une source prochaine,
Trois naïades l’ont vu s’avancer dans la plaine.
Elles ont vu ce front de jeunesse éclatant,
Cette bouche, ces yeux. Et leur onde à l’instant
Plus limpide, plus belle, un plus léger zéphyre,
Un murmure plus doux l’avertit et l’attire :
Il accourt. Devant lui l’herbe jette ses fleurs ;
Sa main errante suit l’éclat de leurs couleurs ;
Elle oublie, à les voir, l’emploi qui la demande,
Et s’égare à cueillir une belle guirlande.
Mais l’onde encor soupire et sait le rappeler.
Sur l’immobile arène il l’admire couler,
Se courbe, et, s’appuyant à la rive penchante,
Dans le cristal sonnant plonge l’urne pesante.
De leurs roseaux touffus les trois nymphes soudain
Volent, fendent leurs eaux, l’entraînent par la main
En un lit de joncs frais et de mousses nouvelles.
Sur leur sein, dans leurs bras, assis au milieu d’elles,
Leur bouche, en mots mielleux où l’amour est vanté,
Le rassure, et le loue, et flatte sa beauté.
Leurs mains vont caressant sur sa joue enfantine
De la jeunesse en fleur la première étamine,
Ou sèchent en riant quelques pleurs gracieux
Dont la frayeur subite avait rempli ses yeux.


C’est le sujet traité par André Chénier que Leconte de Lisle a repris ; mais il l’a repris en y mettant plus de profondeur et surtout en donnant à l’histoire un dénouement