Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/343

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plus dramatique. Sur les genoux des nymphes, Hylas a bientôt tout oublié : le toit natal et la verte prairie, où, paissant les grands bœufs, il suspendait des couronnes à l’autel du dieu protecteur, sa mère en pleurs dont l’œil le suit sur les flots, et le grand Hèraklès son ami, et Kolkos, et le monde ; sa passion, à peine éclose, est devenue plus forte que l’amitié, la patrie, l’honneur, la gloire, le devoir.

Et Chénier a été ainsi heureusement combiné avec Théocrite. Car le sujet est ici, comme chez André, l’amour d’Hylas pour les nymphes ; mais ici cet amour a la violence qu’avait chez Théocrite celui d’Hercule, oubliant pour Hylas ses compagnons d’armes et la conquête de la Toison.

Leconte de Lisle a pensé sans doute que la passion de son héros serait -plus vraisemblable si elle commençait à s’éveiller avant qu’Hylas fût tombé au fond des eaux. Aussi est-ce avant la chute du jeune homme qu’il a mis sur les lèvres des nymphes « les mots mielleux où l’amour est vanté ». Chacune d’elles, — elles ne sont plus que deux, Molis et Nikhéa, — le salue dès qu’il approche, le loue, flatte sa beauté, lui promet d’indicibles plaisirs, et, attentif, suspendant son haleine, il les écoute parler, quoique invisibles, quand soudain deux bras l’attirent par son cou blanc : il tombe et plonge sous le flot. C’est alors que son œil, découvrant les sœurs fluides dont la voix a caressé son oreille de mots séducteurs, s’arrête sur elles « avec amour ».

Et ce dénouement ne nous étonne point ; car le poète a su nous dire au début de son idylle toute la grâce enchanteresse des belles Hydriades :