Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/355

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Moschus, le taureau nageant au bord crétois avec la vierge assise sur son flanc : le vent fait voler l’écharpe obéissante ; d’une main tremblante, la jeune fille tient la corne d’ivoire ; les pleurs dans les yeux, elle appelle ses parents et ses compagnes, et, redoutant les assauts de la vague, elle veut retirer sous soi ses pieds timides. Après avoir décrit ainsi les reliefs de la coupe, Chénier en explique le sujet :


                                                Ce nageur mugissant,
Ce taureau, c’est un Dieu ; c’est Jupiter lui-même.


Dans ses traits déguisés on reconnaît encore les traits du monarque suprême. Sidon l’a vu descendre sur sa rive. La vierge tyrienne, Europe, imprudente, l’a flatté, puis elle a osé s’asseoir sur son flanc ; il s’est alors lancé dans l’onde ; et maintenant le divin nageur,


Le taureau roi des Dieux, l’humide ravisseur,
A déjà passé Chypre et ses rives fertiles :
Il approche de Crète et va voir les cent villes.


Ne cherchons aucun sens caché dans ce brillant morceau de sculpture : il n’a pas d’autre prétention que de charmer nos yeux.


Peut-être Leconte de Lisle n’a-t-il eu, lui non plus, en racontant à son tour l’enlèvement d’Europe, aucune intention mystérieuse. Peut-être voulait-il simplement rivaliser de plasticité avec Moschus et André Chénier. S’il a eu un autre dessein, en tout cas il a eu certainement aussi celui-là, et il pouvait sans fatuité concevoir l’espérance d’égaler