Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/361

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Bien que le poème de Leconte de Lisle soit un poème symbolique, une strophe, qui elle-même a surtout une valeur symbolique, nous fait très bien entendre que la légende d’Ekhidna est, comme tant d’autres, un mythe solaire, et que cette nymphe, si belle, mais si cruelle, mère de tant d’êtres effrayants, tués par Hercule, Pégase, Bellérophon et Œdipe, autant de héros solaires, est tout simplement l’obscurité de la nuit :


Tant que la flamme auguste enveloppait les bois,
Les sommets, les vallons, les villes bien peuplées,
Et les fleuves divins et les ondes salées,
Elle ne quittait point l’antre aux âpres parois.


Mais le poète s’est beaucoup moins soucié de rechercher les origines de la légende que d’en tirer un sens nouveau. Après avoir dit en trois strophes, où Hésiode est suivi de très près, la naissance du monstre horrible et beau, moitié nymphe aux yeux illuminés, moitié reptile énorme, écaillé sous le ventre, puis ses parents, puis le plus cruel de ses enfants, Kerbéros aux cinquante mâchoires, il nous raconte longuement, ce qu’Hésiode ne fait point, comment Ekhidna se pourvoyait de chair crue.

Tant que la flamme du soleil enveloppait le monde, elle restait tapie dans son antre aux âpres parois. Dès qu’il se baignait dans les flots profonds, elle s’avançait, dérobant sa croupe ; son visage luisait comme la lune ; ses lèvres vibraient d’un rire étincelant ; elle chantait, et les hommes accouraient sous le fouet du désir. — Je suis l’illustre Ekhidna, fille de Khrysaor, disait-elle. Ma joue a l’éclat des pommes, des lueurs d’or nagent dans mes noirs