Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/362

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cheveux. Heureux qui j’aimerai, plus heureux qui m’aime ! Je le ferai semblable à Zeus ; il se réveillera sur les cimes sereines où sont les dieux, et je l’inonderai de voluptés ! — Elle chantait ainsi, sûre de sa beauté, tandis que son grand sein cachait le seuil étroit du gouffre ensanglanté. Comme le tourbillon nocturne des phalènes attirés par le feu, les hommes lui criaient : — Je t’aime, je veux être un dieu ! — Et ils l’enveloppaient de leurs chaudes haleines. Mais ceux qu’elle enchaînait de ses bras, nul ne les revoyait, et nul n’en dira jamais le nombre :


Le monstre aux yeux charmants dévorait leur chair crue,
Et le temps polissait leurs os dans l’antre creux.


Le poète n’a pas ici, comme dans la Robe du Centaure, expliqué le sens du poème. Mais était-ce nécessaire ? Alors même qu’il ne nous apprend pas, comme fait Hésiode, qu’Ekhidna est la mère de la Chimère et la mère de la Sphinx, qui ne voit qu’elle personnifie ici tous les rêves et toutes les chimères, et que le poète prédit une affreuse fin à tous les amants de l’idéal, à tous les chercheurs d’énigmes, à tous les aventuriers de la passion, à tous ceux qui demandent à la poésie, à l’art, à la philosophie, à l’amour de les rendre des dieux ?

Le combat homérique[1]


Le titre du poème est significatif : ce n’est pas ici un


  1. Poèmes barbares, VI.