Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/366

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phion et de Niobé s’exerçaient à conduire des chars. En peu d’instants ils tombent l’un après l’autre, abattus par les traits d’Apollon. (Le récit d’Ovide est ici admirable de mouvement, de précision et de variété.) Cependant Niobé apprend que ses fils viennent de lui être ravis, et bientôt que son mari, fou de désespoir, s’est percé le sein. Elle se jette sur les corps de ses fils et les couvre de baisers ; ses ennemis eux-mêmes la plaignent ; mais la douleur n’a pas abattu sa fierté : — Rassasie-toi de mes larmes, crie-t-elle à Latone ; mais où est donc ta victoire ? Après tant de pertes, il me reste encore plus d’enfants que tu n’en as.

Elle dit, et les cordes des arcs célestes résonnent de nouveau. Une à une, les filles de Niobé tombent sur les corps de leurs frères. (Encore un récit plein de vivacité et de variété.) Bientôt une seule reste vivante, la plus jeune. Cette fois, Niobé, vaincue, s’humilie : elle entoure l’enfant de ses bras, elle demande grâce. Mais pendant qu’elle prie, l’enfant rend l’âme à son tour. Muette d’horreur, Niobé s’immobilise ; ses yeux sont fixes, sa langue se glace, son cou ne se plie plus, ses pieds cessent de marcher. Elle pleure pourtant, et des larmes baignent encore le marbre qu’elle est devenue.

Dans ce beau récit, Ovide ne prétend illustrer aucune idée philosophique ou morale. Encore moins se propose-t-il de nous faire reconnaître dans les innombrables enfants percés par les flèches-rayons du dieu solaire les nuées ou les ténèbres qu’ils ont commencé par être. Il ne se soucie pas davantage d’expliquer que le primitif mythe solaire