Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/71

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Et cette Voix disait : — Si je gonfle les mers,
Si j’agite les cœurs et les intelligences,
J’ai mis mon Énergie au sein des Apparences,
Et durant mon repos j’ai songé l’Univers.

Dans l’Œuf irrévélé qui contient tout en germe,
Sous mon souffle idéal je l’ai longtemps couvé ;
Puis, vigoureux, et tel que je l’avais rêvé,
Pour éclore, il brisa du front sa coque ferme.


Puis, résumant en trois strophes des chapitres ou plutôt des livres entiers du Bhagavata-Purana, la Voix contait la naissance des dieux, la création de l’homme[1], l’invention des sacrifices, les incarnations de Visnou[2] :


Dès son premier élan, rude et capricieux,
Je lui donnai pour lois ses forces naturelles ;
Et, vain jouet des combats qui se livraient entre elles,
De sa propre puissance il engendra ses Dieux.

Indra roula sa foudre aux flancs des précipices ;
La mer jusques aux cieux multiplia ses bonds ;
L’homme fit ruisseler le sang des étalons
Sur la pierre cubique autel des sacrifices.


  1. On se demandera peut-être, en lisant chez Leconte de Lisle le récit de la création, ce que Bhagavat se propose bien d’apprendre à Brahma, puisque c’est Brahma qu’il avait chargé de créer le monde. Je me le demande aussi. Il y a là dans le poème de Leconte de Lisle quelque chose d’inexplicable. Dans les versions indiennes de la Vision de Brahma, Bhagavat se définit à Brahma, mais il ne lui raconte pas la création du monde, le monde n’étant pas encore créé et Brahma n’ayant même voulu voir Bhagavat que pour savoir comment il fallait le créer.
  2. Elles sont réduites aux incarnations humaines. Non pas que les autres, plus merveilleuses, aient été dédaignées par Leconte de Lisle comme des légendes puériles et sans signification ; mais il les avait utilisées dans son poème de Bhagavat.