Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/72

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Et moi je m’incarnai dans les héros anciens ;
J’allai, purifiant les races ascétiques ;
Et, le cœur transpercé de mes flèches mystiques,
L’homme noir de Lanka rugit dans mes liens.


Enfin la Voix répétait ce que Bhagavat dans le poème indien explique à Brahma, mais elle le répétait, heureusement, avec moins de pédantisme : car ce Bhagavat se complaît d’une façon un peu agaçante pour nous à étaler l’obscurité de sa personne avant d’en livrer le secret :


Bhagavat dit: « Reçois de moi la connaissance de ce que je suis ; cette connaissance la plus mystérieuse de toutes et qui est accompagnée de la science parfaite, je vais te la révéler avec ses secrets et avec les moyens faits pour la procurer.

« Apprends qui je suis, quelle est ma nature, quels sont ma forme, mes qualités, mes actes, et obtiens ainsi par ma faveur l’intuition claire de mon essence.

« J’étais, oui, j’étais seul avant la création, et il n’existait rien autre chose que moi, ni ce qui est, ni ce qui n’est pas [pour nos organes], ni le principe élémentaire de cette double existence ; depuis la création, je suis cet univers ; et celui qui doit subsister, quand rien n’existera plus, c’est moi.

« Ce qui passe sans raison pour être dans l’Esprit, comme ce qui passe pour n’y être pas, c’est cela qui est la Mâyâ dont je m’enveloppe ; c’est comme la réflexion ou l’éclipse d’un corps lumineux[1]

  1. Liv. II, ch. IX ; tr. Burnouf, t. I, p. 269 et suiv. Maîtreyâ tient à peu près le même langage à Vidura dans l’épisode déjà cité : « Ce qui répugne à la raison, c’est la Mâyâ dont s’enveloppe Bhagavat, c’est la misère et l’esclavage de l’Être suprême qui est [naturellement] libre. [Mais] cette apparence n’est qu’une illusion sans réalité, semblable au rêve de l’homme qui, pendant son sommeil, s’imagine, par exemple, qu’il a la tête tranchée… » Vidura, après ces explications, déclare que « ses doutes sont tranchés », et il ajoute : « Tu l’as bien expliqué, sage Brahmane : cet état [de l’Être suprême qui paraît dépendant] se montre