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pieux obtint que la Ganga purifierait leurs cendres de ses eaux et leur ouvrirait ainsi le chemin du ciel. Le narrateur ajoute : « Si les fils de Sagara, quoique consumés par la malédiction d’un brahmane ont pu, grâce au seul contact des eaux de Ganga, monter au ciel, quand il ne restait plus de leurs corps que des cendres ; s’ils y sont montés parce que ses eaux ont touché leurs corps réduits en poudre, que sera-ce donc des hommes qui, fidèles à leurs vœux, honorent avec foi la déesse de ce fleuve[1] ? »

L’épisode de Leconte de Lisle est sorti de ces quelques lignes où la Déesse du Gange nous est donnée comme celle qui peut aplanir, surtout pour les pieux brahmanes, les voies conduisant au ciel. Nulle part, il est vrai, dans le Bhagavata-Purana, la Déesse n’est représentée sous une forme humaine ; nulle part non plus dans le Ramayana : quand elle intervient, c’est par ses eaux ; quoique déesse, elle demeure rivière. Mais plusieurs fois dans le Maha-Bharata Ganga revêt un corps féminin :


La Ganga, revêtue des formes d’une femme distinguée par sa beauté et par tant de charmes les plus capables de séduire, sortit de ces ondes et, charmante de visage, spirituelle, armée d’une beauté céleste, elle s’approcha du saint roi, occupé à lire les Védas, et vint s’asseoir sur sa cuisse droite, semblable à un arbre çala[2].

Un jour, le puissant monarque vit une femme du plus haut parage, flamboyante de toute sa personne et telle qu’on eût dit une autre Laksmi, visible sur la terre. Tout en elle était char-


  1. Livre IX, ch. IX ; tr. Burnouf, t. III, p. 443-445.
  2. Maha-Bharata, trad. Fauche, t. I, p. 413.