Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/97

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portent à la main des coquillages et des sacron (armes en forme de cercle) périront ; plusieurs millions de Brama mourront aussi ; Siva rassemblera toutes les têtes de ces dieux, en fera un collier qu’il se mettra, et dansera sur un seul pied une danse inimitable dans laquelle ce collier se choquera à ses huit épaules ; en même temps, il chantera des airs mystérieux que personne ne peut chanter, et il éprouvera un plaisir ineffable que personne ne peut goûter.


Ainsi l’auteur de cet hymne croit que les dieux naissent et meurent, que les religions sont éphémères, que les éléments mourront comme elles, et qu’un jour il ne restera rien, sinon Siva, c’est-à-dire rien vraiment, Siva étant la personnification de la puissance destructive de la nature. Avec quel plaisir Leconte de Lisle n’a-t-il pas dû s’emparer de ces lignes où il retrouvait ses propres idées ! Et avec quelle largeur ne les a-t-il pas traduites, mais en ayant bien soin de prédire que dans la marche au néant les dieux précéderont l’homme, — alors que l’hymne indien, au contraire, fait mourir les religions seulement avec le monde, — et en n’oubliant pas non plus de donner, au passage, une triste idée de l’humanité qui s’agite dans le magnifique décor du monde !


Les siècles, où les Dieux, dès longtemps oubliés,
Par millions, jadis, se sont multipliés ;
Les innombrables jours des aurores futures
Qui luiront sur la vie et ses vieilles tortures,
Et qui verront surgir, comme des spectres vains,
Des millions encore d’Éphémères divins ;
Et l’âge immesuré des astres en démence
Dont la poussière d’or tournoie au Vide immense,