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sur Théophile.

Et, pleurant de ta cruauté,
Fais distiller toute la neige.

Voilà ce qu’on admiroit alors. Mais n’oublions pas que Malherbe lui-même a sacrifié aux faux dieux, et que Racine, dans sa jeunesse, composoit des vers parsemés de ces faux brillants.

Nous venons de nommer une Cloris : elle joue un grand rôle dans les œuvres du poète, et prend quelquefois le nom de Philis, sans doute pour dérouter le lecteur curieux. On la retrouve même sous le nom de Caliste. Un beau jour le poète se lasse de ces noms de convention :

Amaranthe, Philis, Caliste, Pasithée,
Jehay cette mollesse à vos noms affectée…
Le plus beau nom du monde est le nom de Marie.

Elle anime le gracieux tableau du matin :

L’Aurore sur le front du Jour
Semé l’azur, l’or et l’ivoire…
Il est jour, levons-nous, Philis,
Allons à nostre jardinage,
Voir s’il est, comme ton visage.
Semé de roses et de lys.

Ainsi chante un jeune poète amoureux. Il s’adresse même, cette fois en prose, à quelque grande dame sous le nom de Diane, et lui offre des vœux désintéressés. Mais c’est une exception. Théophile a raison de dire qu’il n’entend point,

… Comme Cupidon se mesle de charmer :
Geste divinité, des dieux mesme adorée.
Ces traits d’or et de plomb, ceste trousse dorée,
Ces aisles, ces brandons, ces carquois, ces apas,
Sont vrayment un mystère où je ne pense pas.

Il s’écrie :

Sus ! ma Corine, que je cueille
Tes baisers du matiu au soir…
Approche, approche, ma Driade…

Le reste est un incogneu mystère. Ou bien il baise les bras de sa maîtresse, qu’elle pose nuds sur ses draps.

Bien plus blancs que le linge mesme.