Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/51

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même au premier rang, je me refroidissais aussitôt, et retombais dans la mollesse. J’étais peut-être excusable ; car rien n’égalait l’ennui et l’insipidité de ces études. Nous traduisions les Vies de Cornélius Népos ; mais aucun de, nous, et peut-être pas même le maître, ne savait ce qu’avaient été ces hommes dont on nous faisait traduire la vie, où était leur pays, dans quels temps, sous quels gouvernemens ils avaient vécu, ni enfin ce que c’était qu’un gouvernement quelconque. Toutes les idées étaient étroites, fausses ou confuses. Aucun but dans le maître qui enseignait : aucun attrait, aucun plaisir dans l’écolier qui apprenait. C’étaient en somme de honteuses écoles de fainéantise, personne n’y veillant, ou ceux qui le faisaient n’y comprenant rien. Et voilà comment on livre la jeunesse, sans remède pour l’avenir.

Après avoir passé presque toute l’année à étudier de la sorte, vers novembre, je fus admis dans les humanités. Le maître qui nous les enseignait, don Amatis, était un prêtre qui, avec beaucoup d’esprit et de sagacité, avait passablement de science. Sous lui, je fis de grands progrès, et, autant que le permettait un système d’études aussi mal conçu, je devins d’une assez belle force en latin. Mon émulation s’augmenta par la rencontre d’un jeune homme qui me disputa la première place en thème, et qui parfois l’obtenait sur moi. Mais il me surpassait toujours dans les exercices de mémoire ; il récitait d’un trait, et sans se tromper d’une syllabe, jusqu’à six cents vers des Géorgiques de