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Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/213

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LES SUCCESSEURS DE CARNÉADE. — PHILON.

Il allait jusqu’à dire qu’entre les stoïciens et l’ancienne Académie, les mots seuls différaient, et que le stoïcisme est une correction de l’ancienne Académie[1]. Il voulait conserver à l’école qu’il servait avec un zèle de nouveau converti, le prestige des grands noms de l’ancienne Académie[2]. On lui prenait ses Dieux ; il voulut les défendre, et c’est pourquoi il écrivit le Sosus.

Deux points assez délicats restent à expliquer. Quel est le mode de connaissance admis par Philon, et désigné par ces mots : menti subtiliter impressum ? Quel était cet enseignement ésotérique auquel Cicéron fait une allusion discrète ?

Sur le premier point, Hermann et Zeller semblent croire qu’il s’agit d’une connaissance innée, non pas au sens stoïcien, mais au sens platonicien du mot. Mais on ne peut invoquer en faveur de cette conjecture aucune raison probante[3]. Au contraire, Philon et Cicéron sont sur ce point de l’avis de Carnéade, qui manifestement fait dériver toute connaissance des sens. Il nous semble probable que les académiciens ne s’expliquaient guère sur la manière dont se fait la connaissance. Ils constataient, comme une donnée, la présence des idées dans notre esprit, et les tenaient pour conformes à leurs objets, sans rendre compte du passage des choses à l’esprit, de l’action des choses matérielles sur la pensée, sans recourir surtout aux images et à la terminologie matérialistes des stoïciens. Ils y ont toujours répugné. C’est contre eux qu’est dirigé le mot subtiliter. C’est surtout par cette opposition constante au matérialisme stoïcien qu’ils sont vraiment de l’école de Platon.

Sur l’enseignement mystérieux des académiciens, nous ne pouvons naturellement hasarder que des conjectures. Il y a, disaient-ils, des choses probables. Mais quelles sont les choses probables ? Quel choix avaient-ils fait parmi les diverses assertions en

  1. Ac., I, xii, 43.
  2. Ac., II, xx, 70.
  3. Hirzel (Excurs. II) combat avec beaucoup de force la thèse de ceux qui prêtent à Cicéron la théorie des idées innées.