Aller au contenu

Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
328
LIVRE IV. — CHAPITRE I.

tement l’héritage des maîtres, il ne paraît pas que le scepticisme ait recruté beaucoup d’adhérents : il en eut moins que la nouvelle Académie. Sénèque ne parle pas de cette école et semble en ignorer l’existence. Les seuls partisans du scepticisme dont les noms soient arrivés jusqu’à nous sont : Licinius Sura, à qui Pline le Jeune[1] adressa deux lettres, et Favorinus. Ce dernier, bien qu’à vrai dire il fût moins un philosophe qu’un littérateur ami de la philosophie, mérite de nous arrêter un instant.

Favorinus naquit à Arles vers 80-90 après J.-C.[2]. Il eut pour maîtres Dion Chrysostome[3] et peut-être Épictète[4], contre lequel il écrivit plus tard un livre[5]. À Athènes, il rencontra Démonax, et se lia d’une étroite amitié avec Hérode Atticus[6] ; puis il séjourna longtemps à Rome et eut pour disciple Aulu-Gelle, qui resta toujours un de ses plus fervents admirateurs[7]. Il fut aussi l’ami de Plutarque, qui lui dédia un de ses ouvrages[8]. Il mourut vers l’an 150 après J.-C.

Favorinus était eunuque ou hermaphrodite[9], circonstance qui lui valut plus d’une raillerie cruelle, comme on peut le voir dans le Démonax de Lucien. Voici le portrait qu’on nous fait de lui[10] : « Tonsam frontem, genas molles, os laxum, cervicem tenuem, crassa crura, pedes plenos quasi congestis pulpis, vocem femineam, verba muliebria, membra et articulos omnes sine vigore laxos et dissolutos. » C’était un beau parleur, également

  1. IV, 30 ; VII, 27.
  2. Suidas dit qu’il naquit sous Trajan et vécut jusqu’au temps d’Adrien. Toutefois, il doit être né plus tôt, car Plutarque (Quæst. conv. VIII, x, 2) parle de lui comme d’un écrivain déjà célèbre. D’autre part, suivant Aulu-Gelle (N. A., II, 22), il connut Fronton après son consulat, et Fronton fut consul en 143. Il doit avoir survécu à Adrien.
  3. Philostr., Vit. sophist. I, viii, 1.
  4. Gell., N. A., XVII, 19. Gal., De opt. doctr., I, vol. I, p. 41 ; De libr. propr., 2, vol. XIX, p. 44.
  5. Gal., ibid.
  6. Lucien, Démonax, 12. Philostr., loc. cit.
  7. N. A., II, 26 ; III, 19, etc.
  8. Fabricius, Biblioth. græc., V, p. 164.
  9. Philostr., loc. cit. Suidas. Lucien, Démonax, 12.
  10. Val. Rose, Ann. gr., II, 71.