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SOCRATE ET LES SOCRATIQUES.

l’Être[1] immatériel et éternel, qu’il appelle aussi le Bien ou la Raison ; il admet la théorie des idées. Mais, comme les éléates aussi, les exigences de la cause qu’il défendait le poussèrent vers la dialectique. Ce n’était pas chose aisée de défendre directement et de faire accepter la théorie suivant laquelle l’Être véritable est un, immatériel et immuable ; il était plus facile de prendre à partie ceux qui s’en tiennent aux apparences sensibles et de leur montrer que leur croyance mène à d’inévitables contradictions. La même raison qui avait fait apparaître la méthode indirecte de Zénon d’Élée après celle de Parménide devait cette fois encore susciter l’éristique après la dialectique, Eubulide après Euclide.

Eubulide reprend ou invente[2] les célèbres sophismes du Voilé, du Menteur, du Tas ou du Chauve, du Cornu ; nous sommes en pleine sophistique : Euthydème et Dionysodore ne parlaient pas autrement.

Ces sophistes ne méritent pas qu’on s’occupe d’eux, mais nous devons faire une exception pour Diodore Cronus, vigoureux dialecticien, au témoignage de Cicéron[3], et qui a exercé une certaine influence sur l’école sceptique. Sextus le cite souvent, pour se moquer, il est vrai, de lui et de sa dialectique ; il l’appelle même un sophiste[4]. Néanmoins il lui arrive de reprendre pour son propre compte[5] les arguments contre la possibilité du mouvement, que Diodore avait lui-même empruntés à Zénon d’Élée.

Stilpon réunit les doctrines mégariques et celles de l’école cynique[6]. Il soutient, comme l’avait déjà fait Antisthène[7],

  1. Voir Mallet, Histoire de l’école de Mégare et des écoles d’Élis et d’Érétrie. Paris, 1845.
  2. Prantl (Geschichte der Logik, Bd. I, 2, p. 33 ; Leipzig, Hirzel, 1855) attribue à ces sophismes une origine mégarique. Zeller (op. cit., II, p. 232, 3, 3e Aufl.) est plutôt porté à penser que déjà les sophistes s’en étaient servis. — Prantl expose en détail tous ces curieux raisonnements.
  3. De Fato, vi, 12.
  4. P., II, 245 ; M., X, 85, 99.
  5. P., III, 71.
  6. Zeller, op. cit., II, p. 234, et seq.
  7. Voy. ci-dessous p. 26.