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Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/393

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LE PYRRHONISME ET LA NOUVELLE ACADÉMIE.

ni l’autre n’accorde à l’esprit humain le pouvoir de connaître le vrai : et c’est là l’essentiel. Disons, si l’on veut, que les deux écoles ne diffèrent que comme les espèces d’un genre. Au surplus, nous avons vu qu’Ænésidème avait commencé par être académicien, et que son livre était dédié à un autre académicien, Tubéron.

Quant à l’assentiment que réclame la vie pratique, la distinction faite par Sextus a son importance. Toutefois, que ce soit pour une raison ou pour une autre, il est certain que sceptiques et académiciens donnent en certains cas leur assentiment, et en cela ils se ressemblent C’est parce que nous y sommes forcés par les exigences de la vie pratique, disent les sceptiques. Mais ce n’est pas pour une autre raison que les académiciens, du moins ceux qui suivent Clitomaque, préfèrent aux autres les représentations qui s’accordent entre elles. Il y a une différence, si l’on veut, puisque le choix imposé par les conditions de l’action est guidé chez les académiciens par une règle, laissé au hasard ou au caprice de la coutume chez les sceptiques : mais il faut beaucoup de bonne volonté pour voir là une distinction capitale.

Bien mieux, le scepticisme, dans sa dernière période, n’a-t-il pas fait à peu près la même chose, lorsqu’il a cherché dans l’expérience, dans la reproduction constante des mêmes séries de phénomènes, un moyen d’en prévoir le retour ? Ce n’est pas la science, si on veut, mais c’est une sorte de probabilité. L’association des idées, telle que la décrit Sextus, ressemble de bien près à l’accord des idées tel que le définit Carnéade.

On peut donc dire que Sextus, embarrassé par le formalisme sceptique, et cherchant des différences dans les termes mêmes dont se servaient les académiciens, a mal défendu sa cause. C’est moins dans les formules qu’il faut chercher la différence entre

    part trop belle. Nous ne croyons pas non plus qu’il y ait lieu de distinguer les académiciens et les sceptiques, en ce sens que les premiers auraient nié même les phénomènes internes. Ce qu’ils niaient, d’accord avec les sceptiques, c’est la faculté de connaître la réalité absolue. Ils nient si peu les phénomènes internes, que c’est là qu’ils trouvent les degrés de la probabilité : c’est l’ordre ou l’accord des représentations, principe tout subjectif, qui leur sert de fil conducteur.