Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/417

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
407
CONCLUSION.

la vérité. Ici encore, il importe de bien marquer le point de vue auquel se placent les sceptiques et le terrain qui leur est commun avec leurs adversaires. Pour les uns comme pour les autres, la vérité est ce qui s’impose à l’adhésion, ce qu’il est impossible de contester, ce qui force la croyance. S’ils ne s’expriment pas précisément en ces termes, il est aisé de voir que cette conception domine toutes leurs discussions. Pourquoi auraient-ils insisté, puisque tout le monde comprenait la vérité de la même manière ? De nos jours encore, combien n’y a-t-il pas de philosophes qui partagent, expressément ou non, cette manière de voir ?

La thèse des sceptiques est celle-ci. En supposant que la démonstration apporte avec elle cette nécessité sans laquelle il n’y a pas de vérité (et c’est un point que, d’ailleurs, ils contestent), les principes sur lesquels repose toute démonstration n’ont pas ce caractère de nécessité, et, par conséquent, il fait défaut à la démonstration tout entière. En effet, démontre-t-on les axiomes ? C’est un progrès à l’infini, à moins que ce ne soit un diallèle. Ne les démontre-t-on pas ? Ce sont de simples hypothèses, qu’on est libre de rejeter ou d’admettre. D’ailleurs, la contradiction des opinions humaines montre qu’on n’est pas d’accord sur ces hypothèses. On ne contraint pas, on ne peut contraindre l’adhésion de personne : voilà ce que les cinq tropes d’Agrippa établissent clairement.

Cette fois encore, au risque d’être nous-même accusé de paradoxe, nous n’hésitons pas à dire que nous ne voyons rien à opposer à l’argumentation sceptique. Qu’ont répondu les dogmatistes de tous les temps ? Qu’il y a des propositions si claires, si évidentes, qu’elles s’imposent d’elles-mêmes à l’esprit sans démonstration, qu’elles forcent l’adhésion. Les sceptiques ont prévu la réponse : ce sont ces propositions très claires, mais non démontrées, qu’ils appellent des hypothèses. — Des hypothèses ! se récrient les dogmatistes. Appeler hypothèses des propositions telles que celles-ci : deux et deux font quatre ; le tout est plus grand que la partie ! — En tenant ce langage, riposte le scep-