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Page:Victor Margueritte - La Garçonne, 1922.djvu/59

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la garçonne

— Ah ! ma bonne Sylvestre ! s’écria M. Vignabos, en campant, de surprise, son bonnet trop en arrière, sur son crâne socratique. Je suis content de vous voir ! Et vous aussi, mademoiselle… Permettez que je vous présente… M. Régis Boisselot, le romancier… M. Georges Blanchet, professeur de philosophie à Cahors, un de mes élèves…

Et tirant sur sa barbiche, du geste machinal qui lui était familier, comme s’il en eût extrait le fil même de son discours, il reprit celui-ci où il l’avait laissé, après les politesses réciproques.

— J’étais en train de démontrer que le mariage, tel que nous le voyons pratiqué par notre société bourgeoise, est un état contre nature. Vous me pardonnerez, mesdames ! La faute en est à M. Blanchet qui me consultait sur la thèse qu’il prépare : Du mariage et de la polygamie… Il sait que j’achève, précisément, le chapitre final de mon Histoire des Mœurs, avant 1914… Évolution de l’idée de famille. Nous discutions à propos de l’essai que voici…

Il désigna, sur un amas de volumes dont Monique lut, au vol, quelques titres : La femme et la question sexuelle, du docteur Toulouse, De l’amour au mariage, d’Ellen Key, etc., — un livre à couverture jaune :

Du mariage, par Léon Blum.

— Je l’ai lu ! dit-elle. C’est plein de choses justes, ingénieuses, et même profondes. Mais…

Elle sentit braqués sur elle les regards des trois hommes : celui de M. Vignabos souriant, celui du romancier, hostile, celui du troisième visiteur, enfin, ironique et poli.

— Continuez, nous vous en prions ! fit M. Vignabos, avec sa fine bonté.