Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/15

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située sur la place d’armes, rendez-vous habituel de tous les polissons du quartier, j’exerçai de bonne heure mes facultés musculaires, en rossant régulièrement mes camarades, dont les parents ne manquaient pas de venir se plaindre aux miens. Chez nous, on n’entendait parler que d’oreilles arrachées, d’yeux pochés, de vêtements déchirés : à huit ans, j’étais la terreur des chiens, des chats et des enfants du voisinage ; à treize, je maniais assez bien un fleuret pour n’être pas déplacé dans un assaut. Mon père, s’apercevant que je hantais les militaires de la garnison, s’alarma de mes progrès, et m’intima l’ordre de me disposer à faire ma première communion : deux dévotes se chargèrent de me préparer à cet acte solennel. Dieu sait quel fruit j’ai tiré de leurs leçons ! Je commençais, en même temps, à apprendre l’état de boulanger : c’était la profession de mon père, qui me destinait à lui succéder, bien que j’eusse un frère plus âgé que moi.

Mon emploi consistait principalement à porter du pain dans la ville. Je profitais de ces courses pour faire de fréquentes visites à la salle d’armes ; mes parents ne l’ignoraient pas mais les cuisinières faisaient de si pompeux éloges de