Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/37

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de marche, la nuit s’avançait, et nous voyions à peine à nous conduire, quand nous fîmes halte devant une misérable auberge de village. « C’est ici, dit le médecin nomade, en frappant à la porte. – Qui est là ? cria une voix rauque. – Le père Godard, avec son pitre, répondit mon guide » ; et la porte s’ouvrant aussitôt, nous nous trouvâmes au milieu d’une vingtaine de colporteurs, étameurs, saltimbanques, marchands de parapluies, bateleurs, etc., qui fêtèrent mon nouveau patron et lui firent mettre un couvert. Je croyais qu’on ne me ferait pas moins d’honneur qu’à lui, et déjà je me disposais à m’attabler, quand l’hôte, me frappant familièrement sur l’épaule, me demanda si je n’étais pas le pitre du père Godard. – « Qu’appelez-vous le pitre ? m’écriai-je avec étonnement. – Le paillasse donc. » J’avoue, que malgré les souvenirs très récents de la ménagerie et du théâtre des Variétés amusantes, je me sentis humilié d’une qualification pareille ; mais j’avais un appétit d’enfer, et comme je pensais que la conclusion de l’interrogatoire serait le souper, et qu’après tout, mes attributions près du père Godard n’avaient pas été bien définies, je consentis à passer pour son pitre. Dès que j’eus ré-