Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/36

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tateurs auxquels cette scène arrache une salve prolongée de rires et d’applaudissements.

Cet esclandre me mit de nouveau sur le pavé ; je ne savais plus où donner de la tête. Si encore j’avais eu une mise décente, j’aurais pu obtenir du service dans quelque bonne maison ; mais j’avais une mine si pitoyable que personne n’aurait voulu de moi. Dans ma position, je n’avais qu’un parti à prendre, c’était de revenir à Arras ; mais comment vivre jusque-là ? J’étais en proie à ces perplexités, lorsque passa près de moi un homme qu’à sa tournure je pris pour un marchand colporteur ; j’engageai avec lui la conversation, et il m’apprit qu’il allait à Lille, qu’il débitait des poudres, des opiats, des élixirs, coupait les cors au pied, enlevait les durillons, et se permettait quelquefois d’arracher les dents. « C’est un bon métier, ajouta-t-il, mais je me fais vieux, et j’aurais besoin de quelqu’un pour porter la balle, c’est un luron comme vous qu’il me faudrait : bon pied, bon œil, si vous voulez, nous ferons route ensemble. – Je le veux bien », lui dis-je, et sans qu’il y eût entre nous de plus amples conventions, nous poursuivîmes notre chemin. Après huit heures