Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/139

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même de faire figure ; d’un autre côté, tant que j’étais à terre, j’avais à redouter quelque fâcheuse rencontre : Boulogne était infesté d’un grand nombre de mauvais garnements. Les Mansui, les Tribout, les Salé, tenaient des jeux sur le port, où ils dépouillaient les conscrits, sous la direction d’un autre bandit, le nommé Canivet, qui, à la face de l’armée et de ses chefs, osait s’intituler le bourreau des crânes. Il me semble encore voir cette légende sur son bonnet de police où étaient figurés une tête de mort, des fleurets et des ossements en sautoir. Canivet était comme le fermier ou plutôt le suzerain du petit paquet, des dés, etc. C’était de lui que relevaient une foule de maîtres, prévôts, bâtonistes, tireurs de savate et autres praticiens, qui lui payaient tribut pour avoir le droit d’exercer le métier d’escroc ; il les surveillait sans cesse, et quand il les soupçonnait de quelque infidélité, d’ordinaire il les punissait par des coups d’épée. J’imaginais que dans cette île, il était impossible qu’il n’y eût pas quelque échappé des bagnes ; je craignais une reconnaissance et mes appréhensions étaient d’autant plus fondées, que j’avais entendu dire que plusieurs forçats libérés avaient été placés,