Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/150

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dans l’élan d’une pitié que je n’avais pas encore ressentie, je me laissai emporter à la menace de lui faire sauter la cervelle. – Allons donc ! me dit-il avec un sourire dédaigneux, et en haussant les épaules, le capitaine Paulet a plus d’humanité que toi, il les a vus, et ne bouge pas : c’est qu’il n’y a rien à faire. Ils sont là-bas, nous sommes ici ; avec le gros temps, chacun pour soi ; nous avons fait assez de pertes comme ça, quand il n’y aurait que Fleuriot.

Cette réponse me rendit à mon sang-froid, et me fit comprendre que nous courions nous-mêmes un danger plus grand que je ne le supposais : en effet, les vagues s’amoncelaient ; au-dessus, se jouaient les goëlans et les mauves qui mêlaient leurs cris aigus au sifflement de l’aquilon ; à l’horizon, de plus en plus obscurci, se projetaient de longues bandes noires et rouges ; l’aspect du ciel était affreux, tout annonçait une tempête. Heureusement Paulet avait habilement calculé le temps et les distances ; nous manquâmes la passe de Boulogne, mais, non loin de là, au Portel, nous trouvâmes un refuge et la sécurité du rivage. En débarquant dans cet endroit, nous vîmes couchés sur la grève les deux infortunés que j’aurais si bien