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CHAPITRE V.

Mais quelle place tient-elle dans la science jusqu’à Geoffroy Saint-Hilaire ? Quelle influence exerce-t-elle sur les doctrines et sur les recherches contemporaines ? Absolument aucune. Non-seulement nul ne s’en inspire, mais nul n’essaie de la démontrer. Aussi, reste-t-elle sans partisans, et ce qui est plus caractéristique, sans adversaires. On ne daigne pas compter avec elle. Le plus souvent même l’auteur qui l’avait conçue, l’oublie bientôt : elle avait surgi, tout d’un coup, dans son esprit, à l’occasion d’un fait, d’une circonstance remarquable ; elle s’y éteint de même, comparable à ces lueurs d’un moment, qui semblent laisser après elles une obscurité plus profonde. Aussi, après chaque effort, nous en voyons venir un autre qui ne le continue pas, mais qui le recommence. Belon ne part pas des vues d’Aristote ; Newton, de celles de Belon ; les auteurs du dix-huitième siècle de celles de Newton : chacun d’eux part de lui-même et de sa propre inspiration. De là, l’incertitude de leur marche ; la faiblesse de leur conviction. Voyez Pinel : à peine a-t-il consigné dans une phrase remarquable la pensée qu’il vient de concevoir ; il l’en efface lui-même, et en rejette obscurément dans une note la vague indication[1]. Voyez Gœthe lui-même, celui de tous les précurseurs de Geoffroy Saint-Hilaire, qui s’est avancé le plus loin ; le seul

  1. Voyez la note première de la page précédente.