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CHAPITRE VI.

Être libres, au milieu de compatriotes, c’était presque être en France !

III.

À Lisbonne surtout, Geoffroy Saint-Hilaire put un instant se faire cette douce illusion. La domination française y était acceptée avec résignation, par beaucoup même avec joie. Le duc d’Abrantès, gouverneur général du royaume, exerçait une autorité que tempéraient seuls les prudents calculs de sa politique. Sévère, parfois rigoureux envers les Français, il se montrait facile, indulgent, partial même en faveur des Portugais. Tandis qu’il cherchait ainsi à gagner leurs cœurs, il éblouissait leurs yeux par le faste de ses fêtes presque royales. En même temps il faisait cesser d’anciens abus, il embellissait la ville. Il voulait qu’au milieu de ces pacifiques travaux, le chef militaire disparût derrière l’administrateur, et que le joug étranger fût si léger aux Portugais qu’ils pussent n’en pas sentir le poids.

Ainsi le Portugal, si longtemps colonie de l’Angleterre, était ou semblait devenu une province française. Accueilli à bras ouverts par Junot, son ancien compagnon d’Égypte, Geoffroy Saint-Hilaire jouit, pour remplir sa mission, de toute la liberté d’action qu’il aurait pu avoir dans sa patrie, et d’une autorité qu’il pouvait tenir de la guerre seule.