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CHAPITRE XI.

ses convictions ; mais aussi ils restèrent personnellement amis. Non plus, sans doute, comme dans ces jours de leur jeunesse, où tout leur était commun ; non plus liés de cette affection ardente, intime, fraternelle, qui veut la parfaite intelligence des esprits aussi bien que des cœurs, et dont un seul nuage détruit à jamais la pureté première ; mais de ce sérieux et solide attachement qui, ayant ses profondes racines à la fois dans l’estime réciproque et dans le culte des vieux souvenirs, survit à tous les dissentiments d’opinion, eussent-ils un moment dégénéré en lutte véhémente et passionnée.

Tels furent, l’un pour l’autre, les deux naturalistes à l’issue même de leur ardent débat ; et ils ne devaient avoir que trop tôt l’occasion de le prouver.

Cuvier le fit le premier, et dès ce même mois de mai où parut la Philosophie zoologique. Époque pleine, pour le savant, des plus vives satisfactions de l’esprit, mais d’affliction et d’amertume pour l’homme, pour le père ! Comme Cuvier deux ans auparavant, Geoffroy Saint-Hilaire se vit atteint dans ses plus chères affections ; lui aussi perdit une fille de vingt ans ! Nous ne dirons pas la douleur dont son âme aimante fut déchirée : mais combien il fut touché de voir accourir près de lui, l’un des premiers, son ancien ami, la veille encore son adversaire ! son ancien ami qui ne pouvait