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» On le nommait celui qui porte la lumière[1] ;
» Car il portait l’amour et la vie en tout lieu,
» Aux astres il portait tous les ordres de Dieu[2][3] ;
» La Terre consacrait sa beauté sans égale[4],
» Appelant Lucifer l’étoile matinale,
» Diamant radieux, que sur son front vermeil,
» Parmi ses cheveux d’or a posé le Soleil[5].
» Mais on dit qu’à présent il est sans diadème[6],
» Qu’il gémit, qu’il est seul, que personne ne l’aime,
» Que la noirceur d’un crime appesantit ses yeux[7],
» Qu’il ne sait plus parler le langage des Cieux ;
» La mort est dans les mots que prononce sa bouche ;
» Il brûle ce qu’il voit, il flétrit ce qu’il touche[8][9] ;

  1. Milton, P. P., VII, 131 : Sache donc qu’après que Lucifer (appelle-le ainsi, lui plus brillant jadis parmi l’année des anges que cette étoile parmi les étoiles) fut tombé du ciel avec ses légions flamboyantes à travers l’abime…
  2. Moore, A. d. A., p. 14 : Créatures de lumière… qui, à chaque instant de la nuit et du jour, transmettent, à travers leurs innombrables légions, l’écho de sa parole lumineuse. — Milton, P. P., X, 649 : Le Créateur, appelant par leur nom ses anges puissants, leur donna diverses missions, les mieux appropriées à la situation présente. Le soleil, le premier, reçut l’ordre de régler sa marche et son éclat… À la pale lune ils prescrivirent son devoir, et aux cinq autres planètes leurs mouvements et leurs positions… — Chateaubriand, Génie, 2e partie, l. IV, ch. 8 : Les messagers du Très-Haut portent ses décrets d’un bout de l’univers à l’autre.
  3. Var : M, Il portait au soleil (corr. : texte actuel).
  4. Var : M, La terre bénissait sa beauté virginale,
  5. Chateaubriand, Martyrs, l. III : L’astre humide et tremblant qui précède les pas du matin, cette autre planète qui parait comme un diamant dans la chevelure d’or du soleil.
  6. Var : M, 1er main, Et voilà qu’à présent vous ignorez sa gloire, 2e main, texte actuel.
  7. Var : M, habite dans ses yeux,
  8. Moore, A. d. A., p. 65 : À peine avais-je touché son corps frémissant, que je sentis… — ô affreux souvenir ! — oui, je sentis chaque étincelle de ce feu, si pur quand j’habitais parmi les astres, se changer, dénaturé par mon crime, en un feu terrestre et grossier qui brûlait et consumait tout ce qu’il touchait…
  9. Var : M, Il brûle ce qu’il voit et flétrit