Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/15

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meront un peuple que lorsqu’elles auront une langue commune et nouvelle.

Ces questions, plus ou moins éclaircies, nous retiendront longtemps. Nous serons grammairiens, lexicographes, autant que nous le pourrons. Ces études ont leur intérêt, leur originalité historique et piquante ; et vous ne me reprocherez pas de m’y arrêter.

Longtemps avant cette révolution, voyons d’abord tout le midi de l’Europe soumis par les Romains, et adoptant leur langue et leurs mœurs. C’est le sceau de la victoire ; c’est la condition de la vie paisible au milieu de la défaite. Mille preuves viennent à l’appui de ce fait. Entendez-vous au ive siècle, sous Théodose, cet orateur gaulois qui, parlant au sénat romain, éprouve, dit-il, quelque crainte d’apporter parmi les descendants de Cicéron et d’Hortensius la rudesse inculte et grossière du langage transalpin, rudem et incultum transalpini sermonis horrorem. Il ne s’agissait pas d’une harangue celtique, mais d’un discours dans la langue latine des Gaules. Dans les siècles antérieurs, Suétone, Pline, Juvénal, Martial ont cent fois parlé des jeux littéraires et des déclamations en langue latine usitées à Lyon, à Vienne, à Bordeaux, dans toutes les villes de la Gaule méri-