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ive, au ve siècle. Sans doute il y avait des idiomes locaux, des patois qui se cachaient dans quelque coin de village ; mais la religion parlait latin, la loi parlait latin, la guerre parlait latin ; partout le latin était la langue que le vainqueur imposait au vaincu. Pour traiter avec lui, pour lui demander grâce, pour obtenir la remise de l’impôt, pour prier dans le temple, toujours il fallait la langue latine.

Ainsi, cette grande transmutation des vaincus par les vainqueurs, ce changement de la société, sans la destruction des individus, s’était accompli sous la puissante politique des Romains, aidée par la prédication du christianisme.

Combien cet état du monde dura-t-il ? Comment devait-il s’altérer progressivement ? À quelle époque, du milieu de cette langue romaine, universellement répandue, naquirent les langues nouvelles, et avec elles une manifestation plus complète, plus efficace de l’esprit moderne ? Car l’esprit des hommes est tellement dominé par les formes du langage, que même des hommes nouveaux de race et d’esprit, s’ils prennent l’usage d’une vieille langue, perdront quelque chose de leur caractère natif, et que, si plusieurs races se mêlent, elles ne for-