Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/17

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tours que chacune d’elles avait apportés à la masse commune de l’idiome nouveau.

Mais cette remarque ne peut avoir toute sa justesse qu’autant que les races qui viennent ainsi se réunir offrent une égalité de civilisation et de force intelligente. Lorsque au contraire c’est le savant, l’ingénieux qui vient soumettre le grossier et l’ignorant, alors l’équilibre dans le contingent que chacun apporte à la formation de la langue nouvelle, est rompu ; les lumières l’emportent sur le chiffre numérique des individus ; et ceux qui ont le plus d’idées donnent incomparablement le plus de mots.

Certes les Romains, qui avaient conquis et colonisé la Gaule, étaient beaucoup moins nombreux que les Gaulois. Ils n’en firent pas moins adopter leur langue, parce qu’ils imposaient leurs lois et leur religion. Les Francs étaient aussi beaucoup moins nombreux que les Gaulois qu’ils envahirent. Cependant, s’ils avaient été supérieurs par l’intelligence et les arts, surtout s’ils avaient apporté avec eux un culte nouveau, l’ancienne civilisation, l’ancienne langue eut été vaincue par la nouvelle, aidée de la force. Mais comme, au contraire, les Francs n’étaient, relativement aux Gaulois transformés en Romains, que des barbares, ils