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sa gloire ; c’est un génie vraiment dominateur et politique, un Charles-Quint du xie siècle. Mais ce pape, Grégoire VII, il n’a que sa pensée et la croyance des autres, pour dominer tout le monde. Robert et Guillaume ont la force des armes, l’ascendant guerrier du Nord sur le Midi, le courage de leurs compagnons, et je ne sais quoi d’audacieux qui avait amené la race normande des bords de la Scandinavie jusqu’à Rouen, à Londres et à Salerne, et qui de là l’emportait à Constantinople.

Eh bien, quand ces trois hommes eurent passé, qu’ils furent morts dans la même année, nommée par le peuple une année miraculeuse qu’avaient signalée une comète et des pestes, que resta-t-il après eux ? Il resta surtout Grégoire VII, bien qu’il eût manqué ce qu’il avait voulu, qu’il fût mort exilé, presque captif, et que son génie eût succombé sous son entreprise, du moins en apparence. Mais il laissait après lui des idées plus puissantes que lui, et son système acheva ce que lui-même n’avait pas fait. À sa suite, la souveraineté ecclésiastique s’étend sur toute l’Europe. Ce n’est pas, comme celle de Robert Guiscard, une souveraineté qui s’épuise dans un coin de la Calabre, qui va tenter la conquête de la Grèce, et qui s’arrête,