Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand le conquérant est frappé de mort. Ce n’est pas, comme celle de Guillaume, une souveraineté laborieuse, qui, après avoir conquis à grand’ peine un peuple, lui imposant mœurs, coutumes, lois, langue nouvelle, finit cependant par se confondre avec lui, et par disparaître dans la nationalité anglaise. Non, c’est une souveraineté qui survit à tout, domine sans violence plusieurs nations à la fois, et ne s’use pas, pendant plusieurs siècles.

Elle devait être surtout puissante chez les peuples du midi de l’Europe, que de fréquentes guerres avec les Maures avaient attachés plus vivement à leur foi, et qu’une imagination ardente passionnait pour les pompes et les fêtes du culte.

Faut-il croire cependant que le pouvoir pontifical, et, au-dessous, le pouvoir ecclésiastique, fut alors la seule force morale qui dominât les esprits ? Non ; cette indéracinable liberté de l’esprit humain, qui d’abord s’était enveloppée de la tiare pour lutter contre la force matérielle, elle se cache, et même elle se produit ailleurs. Pendant que des barons injustes et féroces tremblaient sous l’anathème épiscopal, souvent aussi un poëte, un troubadour de Béziers ou de Toulouse, réprimait avec une chanson l’avarice ou la dureté des clercs.