Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/39

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pensée profonde et de haute poésie cachée sous la rude écorce du moyen âge.

Remarquez-le, Messieurs, un événement dont, à dessein, je ne vous ai point encore parlé, les croisades ont occupé le monde pendant plus de quatre-vingts ans, L’Europe entière, soulevée d’elle-même, s’est jetée sur l’Asie ; le génie européen a communiqué de toutes parts avec l’Orient de grands et nouveaux spectacles l’ont frappé ; les langues et les dominations chrétiennes ont été portées dans la Syrie et dans la Judée ; et cependant cette immense révolution, ce n’est pas le sujet qui a saisi l’imagination poétique du Dante. Il y avait, dans l’état intérieur de l’Europe, quelque chose de plus grand encore que ce prodigieux épisode ; c’était la cause même de ce mouvement ; c’était la religion, le pouvoir pontifical ; c’était la liberté naissant en Italie, à l’ombre sanglante des luttes du sacerdoce et de l’empire. Voilà les deux grandes images qui apparurent à l’âme du Dante.

À trois siècles de distance la belle imagination du Tasse, dans les délices de la cour de Ferrare, ne vit rien de plus merveilleux à raconter que les croisades. Mais en présence même des croisades, et sous leur récent souvenir, il y