Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/40

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avait quelque chose au-dessus ; c’étaient l’Église et la liberté de l’Italie. Voilà ce que le Dante conçut et enferma dans sa mystérieuse vision de la vie à venir ; voilà ce qui, s’unissant au génie, donne à son ouvrage cette durée immortelle, et ce qui en fait un monument vivant du moyen âge, en même temps qu’il est la souche antique de la langue italienne et la première source de grande poésie dans l’Europe.

D’où vint à la pensée du Dante ce drame sublime et fécond ? Lui fut-il inspiré, comme on l’a dit, par un fabliau, par le conte du Jongleur, qui va en enfer et joue des âmes aux dés contre saint Pierre ? ou par cette vision poétique de Brunetto Latini, maître du Dante, et que, par parenthèse, il a mis dans l’un des cercles infernaux ? Non. Ce qu’il a imité, c’est tout ce qu’on disait autour de lui. Il eut pour inspiration la pensée commune de ses contemporains. Mais il avait le génie qui révèle à cette pensée populaire sa propre grandeur, qu’elle ne savait pas. S’il eut d’ailleurs quelque secours, ce fut celui d’un de ces hommes que j’ai nommés tout à l’heure, d’un de ces grands promoteurs de l’esprit humain qui avaient paru à la fin du xre siècle, et ébranlé les imaginations par leurs entreprises et leurs victoires : ce sera Grégoire VII. Je vais, à