Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/52

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génie oriental leur apparaissait à travers l’Espagne et le christianisme. Notre ignorance, qui est la même, nous fera mieux comprendre leur impression qui devait être semblable à la nôtre.

Lorsque nous aurons cherché dans une foule de souvenirs populaires et dans un petit nombre de monuments épars quel était l’esprit général de la nation espagnole, ne serons-nous pas tentés de regarder ailleurs et de nous dire : Pourquoi donc est-elle devancée, cette nation si forte et si vive ? Comment cette race, formée du sang arabe et du sang européen, ardente, ingénieuse, guerrière, n’a-t-elle pas encore du génie dans les arts ? Pourquoi les Italiens se sont-ils élevés plus tôt ? Je crois reconnaître ici cette nécessité pour un peuple d’être un peuple, avant d’avoir du talent, d’avoir fait de grandes actions, avant de faire des livres. Ansi l’Italie, en s’affranchissant sous les auspices de ses grands papes du moyen âge, en transformant ses villes en républiques agitées, mais libres, avait de bonne heure accompli son œuvre, et s’était ouvert la carrière des arts et du génie. L’Espagne ne l’avait pas fait encore ; mais si elle a tardé, combien son œuvre sera grande ! À quel haut degré va-t-elle porter la puissance de l’esprit humain ! que de grandes actions elle accumule à la fin du xve siècle !