Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours d’Auguste, dont vous voyez que nous faisons aujourd’hui un maître de langue. Voici ce que rapporte Suétone de sa manière d’écrire :

Præcipuam curam duxit, sensum animi quam apertissime exprimere quod quo facilius efficeret, aut necubi lectorem vel auditorem obturbaret ac moraretur, neque præpositiones verbis addere, neque conjunctiones sæpius iterare dubitavit, quæ detractæ afferunt aliquid obscuritatis, etsi gratiam augent.

Il mettait son principal soin à exprimer le plus clairement possible sa pensée pour y parvenir, et afin de n’embarrasser et de n’arrêter nulle part le lecteur et l’auditeur, il n’hésitait pas à ajouter des prépositions aux verbes, et à multiplier les copulatives, dont la suppression apporte un peu d’obscurité, quoiqu’elle ait de la grâce.

Ainsi, aux yeux des Latins eux-mêmes, quelques procédés de leur langue étaient des causes d’obscurité ; et un esprit aussi méthodique, aussi net que celui d’Auguste, ne voulant pas qu’on se trompât jamais sur sa pensée, et probablement sur ses ordres, avait éprouvé le besoin de quitter l’élégance habituelle des formes latines, et d’employer d’avance la précision de nos constructions modernes. Cette anecdote grammaticale, je la rapporte pour appuyer l’observation ingénieuse et générale de Wilhem Schlegel, et faire sentir, par un exemple qui n’est pas douteux, ce travail naturel de l’esprit, cherchant, à mesure qu’il se raffine, une plus grande précision, une plus grande clarté dans