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Page:Villetard de Laguérie - Contes d'Extrême-Orient, 1903.pdf/102

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grands d’Orient entretiennent, comme nos aïeux faisaient des nains et des fous.

La nuit était depuis longtemps faite, dense et menaçante dans son silence troublé, à intervalles irréguliers, par des coups de feu de plus en plus proches du Palais. Aussi, la reine fut-elle seule à prêter l’oreille aux récits naïfs de suivantes, qui ressemblaient aussi peu à la légendaire sultane des Mille et une Nuits que la Corée et son souverain à l’Empire composite et à la brillante personnalité d’Haroun-al-Raschid.

La première, après s’être trois fois prosternée le front contre terre et accroupie sur ses talons, commença doucement :

Le riz rachète la paille.

Un pauvre vieux paysan d’un village situé bien loin, bien loin, dans la province de Phyông-An-Do, ne sortait jamais de sa maison le jour, depuis que la mort de sa femme et de ses enfants l’avaient laissée déserte. On croyait même qu’il y restait toujours enfermé, et personne ne comprenait de quoi il vivait, car la nuit les sujets prudents ne se hasardent pas dehors, où rode le tigre.

Quand la huitième lune ramena du Nord l’oie sauvage et renvoya l’hirondelle vers son hivernage mystérieux, au moment où les insectes commençaient à rentrer dans leurs terriers et les ruisseaux à tarir, tout à coup on constata que pendant la nuit, tantôt dans une rizière, tantôt dans une autre, les beaux épis formés pendant la septième lune avaient été hachés.

La garde la plus vigilante ne put surprendre le coupable. Les porteurs de litière d’un yang-ban rejoignant sa résidence dirent bien, qu’en appelant les villageois pour se faire apporter des torches (ousa), ils avaient aperçu au loin une forme blanche qui paraissait lever et baisser avec force un long bâton. Mais, croyant à l’apparition d’un