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L’amie qui lui avait parlé habitait près de la porte Est ; le premier informateur était entré au Palais par la poterne Est. Or, en 1895, tous les malheurs devaient venir de l’Est, puisque Daï Chang-Koun[1], désertant le centre du ciel, était allé demeurer dans la zone orientale. C’était la première fois depuis le commencement du soixantième cycle solaire auquel appartenait Yeul mi. En outre, Taou-Lang-Dao était née en même temps que ce cycle, dont l’invasion japonaise avait attristé et souillé la quarante et unième année. Et cette calamité était aussi venue de l’Est ; elle était l’Est lui-même, puisque le Japon a pris pour nom et pour emblème le Soleil Levant !

Il y avait place pour les faiblesses de la femme dans cette nature, qui eut cependant tant d’énergique virilité, et de sinistres pressentiments oppressaient ce cœur de reine, malgré tout resté accessible aux superstitions nationales.

Pour les dissiper, Taou Lang Dao invita ses dames d’honneur à rester près d’elle, fit appeler le prince héritier et sa femme et leur donna le divertissement d’un concert par la musique et d’un ballet dansé par les Pyng yang girls de la maison du roi.

Mais l’orchestre exécuta un air qu’elle avait entendu l’année précédente aux obsèques de Chao, la reine douairière, à laquelle Li Hsi devait son élévation au trône. Funèbre coincidence, qui resserra l’étreinte de ses sombres pressentiments. Pour les dissiper elle renvoya les musiciens et demanda les danseuses. Mais ce jour-là le rite leur imposait des couleurs foncées, et sous les nappes jaunės des petites poires électriques, leurs longs vêtements battaient en ailes d’énormes papillons noirs. Elle les renvoya et fit appeler trois de ces conteuses que les souverains et les

  1. Le démon de la mythologie coréenne.